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ANC et société civile: moteurs de l’indépendantisme en Catalogne

Conférence de la présidente de l’ANC, Elisenda Paluzie, sur le rôle clé de la société civile au sein de l’indépendantisme catalan (2012-20) – 20 novembre 2020

Depuis 2010, la mouvance indépendantiste en Catalogne fait les manchettes à travers le monde et spécialement au Québec : manifestations monstres dans les rues de Barcelone tous les 11 septembre, une chaine humaine de plus de 400 km en 2013 (l’équivalent de la distance entre Montréal et Rivière-du-Loup), un concert devant plus de 100 000 spectateurs au stade du FCBarcelone, la consultation populaire non référendaire du 9 novembre 2014 et, finalement, le référendum d’indépendance du 1er octobre 2017.

L’Assemblea nacional catalana est un des grands joueurs de la société civile. Avec près de 40 000 membres, l’organisme est composé d’un Secrétariat national formé par 77 secrétaires élus au suffrage universel. Ce Secrétariat coordonne les assemblées de base : territoriales (dans plus de 500 municipalités en Catalogne), sectorielles (groupes thématiques) et à l’international (ANC-France, ANC-USA, ANC-UK, etc.).

ELISENDA PALUZIE : UN TÉMOIGNAGE D’EXCEPTION

Le rôle actif de la société civile dans cette mouvance vers l’exercice du droit à l’autodétermination lors du référendum de 2017 est incontestable. Il a d’ailleurs été maintes fois évoqué par les partis, associations et membres de la société civile québécoise qui suivent de près la Catalogne depuis plusieurs années.

Quel est le secret de cette mobilisation citoyenne sans précédent en Europe depuis la Deuxième Guerre mondiale? Comment l’Assemblea nacional catalana est-elle structurée? Quelle est sa gouvernance? Comment tire-t-elle son épingle du jeu au milieu des méandres des intérêts partisans et des différentes familles politiques de l’indépendantisme parlementaire?

Cette conférence de Mme Elisenda Paluzie, présidente de l’ANC, a eu lieu le vendredi 20 novembre à l’Université de Montréal et a compté sur la collaboration du Cercle culturel catalan du Québec.

CONTEXTE : LE RÔLE HISTORIQUE DE LA SOCIÉTÉ CIVILE EN CATALOGNE

Sans la force, la persistance et la résilience de la société civile catalane (en clandestinité ou en exil) du XXe siècle, la langue et la culture catalanes n’auraient jamais survécu aux quelque 40 ans de dictature du général Franco.

Les syndicats étudiants, ouvriers et les partis politiques dans la clandestinité ont œuvré ensemble, sous la coordination de l’Assemblea de Catalunya, afin de permettre le retour de l’autonomie (1977-78) et le rétablissement du Parlement et du gouvernement de la Catalogne (1980), en exil depuis la victoire militaire de Franco en 1939.

Après deux décennies de gouvernance à « géométrie variable », les négociations du nationalisme catalan modéré de centre-droite (CIU) avec le gouvernement de Madrid (socialiste ou conservateur) pour l’obtention de quelques petits gains et le blindage de certaines compétences par la réforme de la charte d’autonomie de la Catalogne (l’Estatut de 2006) mènent à un véritable Lac Meech politique. En effet, après avoir été approuvée par référendum, cette nouvelle charte d’autonomie de la Catalogne est contestée par la droite espagnole devant le Tribunal constitutionnel de l’Espagne qui, après quatre ans de délibérations, y élimine 8 articles et en réinterprète 14 autres.

Ce cul-de-sac politique active la société civile, qui s’organise face aux partis, qui semblent dépassés par les évènements. Les vieilles chicanes de l’indépendantisme jadis minoritaire et fragmenté disparaissent au profit de la création, en 2011, de l’Assemblea nacional catalana (ANC) : une organisation de la société civile strictement indépendante des partis politiques et de l’administration.

L’ANC et Òmnium cultural jouent un rôle clé dans la mouvance indépendantiste. La coalition indépendantiste Junts pel Sí, qui remporte les élections de 2015, inclut des figures incontournables de la société civile, dont Carme Forcadell et Muriel Casals, présidentes de l’ANC et d’Òmnium cultural respectivement.

Carles Puigdemont est élu président de la Catalogne avec l’appui de la CUP, une nouvelle feuille de route est tracée et le 1er octobre 2017, les Catalan·e·s votent lors du référendum. Le monde assiste, perplexe, aux images de la répression exercée par les forces de police espagnoles contre les électeurs. Un mois plus tard, c’est l’exil ou la prison non seulement pour les organisateurs du référendum (le président Puigdemont et ses ministres), mais aussi pour deux activistes de la société civile : Jordi Cuixart, président d’Òmnium cultural et Jordi Sànchez, président de l’Assemblea nacional catalana (ANC), ainsi que pour la présidente du Parlement de Catalogne, Carme Forcadell.